LES CONTES
La manière de nous comporter dans la société, notre façon de nous relationner et nos schémas de pensée sont conditionnés par beaucoup de facteurs: culturels, religieux, politiques, etc. La littérature, en tant qu’instrument pour transmettre des idées, a aussi contribué à l’heure de mettre en place les “rôles de genre” et ainsi nourrir la culture machiste. Au siècle des Lumières ou de la Raison le philosophe Jean Jacques Rousseau dans son oeuvre Émile ou de l’Éducation, un manuel expliquant comment éduquer le parfait citoyen, expose dans les termes suivants le rôle de la femme dans la société:
La femme et l’homme sont faits l’un pour l’autre, mais leur mutuelle dépendance n’est pas égale : les hommes dépendent des femmes par leurs désirs ; les femmes dépendent des hommes et par leurs désirs et par leurs besoins ; nous subsisterions plutôt sans elles qu’elles sans nous. [...]
Ainsi toute l’éducation des femmes doit être relative aux hommes. Leur plaire, leur être utiles, se faire aimer et honorer d’eux, les élever jeunes, les soigner grands, les conseiller, les consoler, leur rendre la vie agréable et douce : voilà les devoirs des femmes dans tous les temps, et ce qu’on doit leur apprendre dès leur enfance. Tant qu’on ne remontera pas à ce principe, on s’écartera du but, et tous les préceptes qu’on leur donnera ne serviront de rien pour leur bonheur ni pour le nôtre.
Les contes, tels qu’on les connaît au XXème et XXème siècles grâce aux films de Disney, n’ont fait que figer et promouvoir les inégalités hommes-femmes et les “rôles de genre” en utilisant l’amour -faire appel aux sentiments les plus profonds et primitifs est un très puissant instrument de persuasion- comme sujet principal. La belle et naïve princesse sauvée par le prince charmant en est le plus clair et récurrent exemple.
Dans ces histoires la femme, même si elle est la protagoniste du récit ou du film, elle ne l’est pas de sa vie à elle et elle a encore moins la capacité de décider sur celle-ci et sa destinée. La société -ses parents, les dieux, la bonne fée, etc- a déjà décidé à sa place avant de naître quel sera son rôle: épouse soumise et mère heureuse. La violence machiste rencontre alors dans ce genre de discours un allié sans égal pour perpétuer certains comportements et idées machistes que les femmes entreprenons dans nos relations amoureuses.
Parce que dire non au prince charmant suppose l’effondrement de l’ordre établi depuis longtemps, parce que dans l’imaginaire collectif le fait que le prince embrasse sans consentement préalable la Belle Dormant n’est pas quelque chose de méchant, parce que le fait que Blanche Neige travaille jour et nuit pour sept hommes on ne le considère pas comme de l’esclavage, parce que Belle nous a appris que même si Bête est violent - il l’enferme, lui crie dessus, la fait pleurer, etc- grâce à sa considérable patience, sa soumission et amours infinies il finit par changer et devient le prince charmant parfait, aimable, affectueux… Combien de fois on a entendu ce discours? Combien de fois Belle nous a appelé pour nous raconter que Bête a regardé son téléphone et est devenu jaloux? Combien de fois on a vu pleurer Belle? Combien de Belles sont toujours enfermées dans un château et combien y ont été assassinées? Combien de Belles y-a-t-il dans le monde?
Levantémonos sobre la Tierra, sintamos nuestras raíces,
escuchemos las voces de las que saben, de nuestra sangre.
Acariciemos la matriz de las que fueron
de las que somos y de las que seremos;
curemos el dolor de las que fuimos, de las que somos
y de las que quizá, ojalá, nunca más serán.
Porque somos las hijas de la Luna que nos robaron,
la luz del Sol que quisieron apagar
Virginia Gómez de la Fuente
LES PRINCES NUS
Parfois les princes, brusquement ou peu à peu, se retrouvent nus: sans les chaussures si belles qui leur procuraient tant d’assurance en marchant, sans la couronne qu’ils arboraient avec tant de fièrté et sans les galons qui ornaient avec orgueil leur poitrine et qui leur avaient coûté tant de vains efforts.
Parfois même ils se retrouvent sans voix, non pas qu’ils ne puissent pas parler sinon que leurs mots sont si vides qu’ils ont perdu lentement le son et l’odeur de rose qu’ils dégageaient auparavant.
Les princes perdent même leur coeur parce qu’ils ont cru s’en être trop servi alors qu’en réalité ils ne savent ni comment ni où il est , ils ne connaissent pas son odeur, ne savent s’il sourit ou s’il pleure quand on le caresse.
Les princes croient garder des secrets qui en fait n’existent pas mais ils sont convaincus de les avoir découverts et ils les conservent dans un coffre doré qu’ils dévoilent de temps en temps.
En certaines occasions ils enfourchent leur cheval avec l’intention d’attrapper la lune et le soleil et de les ramener sur Terre mais bien vite ils doivent y renoncer sans même avoir compris que les astres ne brillent pas uniquement dans le ciel.
Parfois les princes se sentent seuls et perdus et cherchent des princesses sans savoir qu’elles n’existent pas, qu’il y a longtemps que la Terre a décidé qu’ils n’avaient pas besoin d’elles. Mais leur désir de les trouver est si fort qu’ils les dessinent avec des caresses, des baisers d’encre invisible et les habillent avec de belles robes et des couronnes de fleurs. Et quand ils réalisent que la princesse a disparu car elle n’existait pas vraiment ils restent bouche bée devant le vide qu’ils ont eux mêmes peint.
Parfois les princes se cachent pour qu’on ne découvre pas leurs pouvoirs et ils se déguisent de mots et de regards aussi beaux que l’arc-en-ciel; ils jouent derrière les arbres et essaient de se cacher mais leur fausse cape d’hermine est si grande qu’on les découvre toujours.
Parfois les princes s’obstinent à écrire des contes, vivre dans des châteaux, lutter contre les dragons, conquérir des princesses… mais bientôt les lettres du récit disparaissent, s’évanouissent et alors ils sortent en courant, apeurés, sans réaliser qu’ils ont perdu leurs habits et qu’ils errent tout nus de par le monde.
Virginia Gómez de la Fuente
TEXTE EN ESPAGNOL
Parfois les princes, brusquement ou peu à peu, se retrouvent nus: sans les chaussures si belles qui leur procuraient tant d’assurance en marchant, sans la couronne qu’ils arboraient avec tant de fièrté et sans les galons qui ornaient avec orgueil leur poitrine et qui leur avaient coûté tant de vains efforts.
Parfois même ils se retrouvent sans voix, non pas qu’ils ne puissent pas parler sinon que leurs mots sont si vides qu’ils ont perdu lentement le son et l’odeur de rose qu’ils dégageaient auparavant.
Les princes perdent même leur coeur parce qu’ils ont cru s’en être trop servi alors qu’en réalité ils ne savent ni comment ni où il est , ils ne connaissent pas son odeur, ne savent s’il sourit ou s’il pleure quand on le caresse.
Les princes croient garder des secrets qui en fait n’existent pas mais ils sont convaincus de les avoir découverts et ils les conservent dans un coffre doré qu’ils dévoilent de temps en temps.
En certaines occasions ils enfourchent leur cheval avec l’intention d’attrapper la lune et le soleil et de les ramener sur Terre mais bien vite ils doivent y renoncer sans même avoir compris que les astres ne brillent pas uniquement dans le ciel.
Parfois les princes se sentent seuls et perdus et cherchent des princesses sans savoir qu’elles n’existent pas, qu’il y a longtemps que la Terre a décidé qu’ils n’avaient pas besoin d’elles. Mais leur désir de les trouver est si fort qu’ils les dessinent avec des caresses, des baisers d’encre invisible et les habillent avec de belles robes et des couronnes de fleurs. Et quand ils réalisent que la princesse a disparu car elle n’existait pas vraiment ils restent bouche bée devant le vide qu’ils ont eux mêmes peint.
Parfois les princes se cachent pour qu’on ne découvre pas leurs pouvoirs et ils se déguisent de mots et de regards aussi beaux que l’arc-en-ciel; ils jouent derrière les arbres et essaient de se cacher mais leur fausse cape d’hermine est si grande qu’on les découvre toujours.
Parfois les princes s’obstinent à écrire des contes, vivre dans des châteaux, lutter contre les dragons, conquérir des princesses… mais bientôt les lettres du récit disparaissent, s’évanouissent et alors ils sortent en courant, apeurés, sans réaliser qu’ils ont perdu leurs habits et qu’ils errent tout nus de par le monde.
Virginia Gómez de la Fuente
TEXTE EN ESPAGNOL
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire